« LA COURSE, C'EST MA REVANCHE SUR LA VIE »,
portrait d’olivier guillaume

par elsa mari
illustré par alexandre luu

 

 
 

© Alexandre Luu

 

 

y a deux ans, il ne pouvait pas marcher cent mètres. Désormais, il court des semi-marathons. En rémission d’un cancer de la gorge, Olivier Guillaume a le teint hâlé des jours de printemps. Il le sait : cette dure victoire, il la doit au sport. « C’est mon médicament, ma revanche sur la vie ».

Mars 2014. Avant de commencer la chimiothérapie, cet entrepreneur marseillais de 41 ans s'est plongé dans les revues scientifiques. Au fil des pages, il découvre que l'effort physique double les chances de guérison. La Haute Autorité de Santé  considère même le sport comme une activité « thérapeutique non médicamenteuse validée » depuis 2011. Les médecins de l'hôpital de la Timone, où il doit être soigné, l’ont déjà compris. Et proposent des cours d’activités dispensés par une association, en face du bâtiment, à quelques dizaines de mètres, dans un gymnase.

Dès son arrivée, Olivier s'inscrit au karaté. Les gestes violents sont bannis car inadaptés. Il choisit aussi la danse et l'escrime, sans le combat. Les chimios s'enchaînent, la souffrance s’installe, souvent insoutenable. Un tuyau relié à l’estomac, la traversée jusqu’au gymnase est suffocante. Il a perdu dix kilos, le goût et ses muscles. « J’avais mal mais je me rappelais que le sport était le seul traitement contre la fatigue. Il fallait que je déplace des montagnes ». Olivier se lève, transpire cinquante minutes trois fois par semaine, guidé par l’envie de vivre.  « Cela peut paraître paradoxal de dépenser les dernières forces qu'il nous reste », lance-t-il. Mais les effets sont immédiats. Ses douleurs diminuent de moitié: « C'était spectaculaire. Après chaque séance, je me sentais bien pendant plusieurs jours». Pas question de s'arrêter, une fois sorti de l'hôpital.

En décembre dernier, Olivier découvre que le marathon de Marseille de 10 kilomètres a lieu le 15 mars 2015. Le jour de l’anniversaire de sa première chimiothérapie. C’est un signe. Il faut qu’il y participe. Il crée alors l’association « Défi Sport et cancer ». « J’ai proposé à ceux qui m'avaient aidé de courir avec moi », se souvient-il, en riant. Face à lui, Stéphanie Ranque, médecin également présidente de l’association de l’hôpital de la Timone, esquisse un sourire complice. Elle qui détestait la course, se souvient du jour où son patient lui a fait cette proposition. Mais elle acquiesce, enlève sa blouse blanche, chausse ses tennis. Et s’entraîne tous les dimanches dans les allées ensoleillées du parc Borély. Le jour du marathon, une trentaine de soignants, le mot « Vivre! » inscrit sur leurs maillots, sont sur la ligne de départ avec Olivier. « Il y avait un élan incroyable, je me suis dit qu’il fallait aller encore plus loin ». Lui, qui travaillait auparavant dans la vente d’ordinateurs, se consacre alors pleinement à la promotion de l’activité physique pendant et après les radiothérapies. Il courra les 10 km à Marseille en mai, le mythique Marseille-Cassis fin octobre et celui de New York fin 2016. Ses médecins et les aides-soignants ne le lâchent pas.

Depuis quelques mois, Olivier poursuit sa lutte, mais différemment. Il créé, actuellement, une entreprise sur l’intelligence artificielle : « On va travailler sur la reconnaissance des cellules cancéreuses ». Entre deux rendez-vous, il remet son maillot sous le ciel bleu. Enfile ses baskets, et s’évade le long de la corniche. « Quand je cours,  je profite d’être en vie. Dans ces moments, je suis face à moi-même ».